Vue qu’en dépit des règles les plus élémentaires de l’écriture web, j’en ai déjà écrit des tartines, le compte-rendu de mes pérégrinations à Pas sage en Seine - Hackerspace festival est scindé en deux.

Récit du dernier quart de Pas sage en Seine / Hacker Space Festival : Jour 2 (pour moi) - Dimanche 3 juillet

Retrouvez le début ici

Rencontre manquée entre salaire à vie et hackers

Salaire à vie pour tous ?

gwenaëla

Je plaçais pas mal d’espoir sur cette conférence, car derrière cette idée de salaire à vie je vois surtout un changement de paradigme de « c’est quoi le travail ». Repenser le rapport au travail, c’est un truc qui me botte vachement en ce moment, et je fais des liens assez naturels avec mes activités de codeuse (mais pas que) et la « culture open source ».

Pas de faux suspens : les espoirs ont été déçus. Tristesse.

L’oratrice a plutôt tourner autour de son sujet (pas de lien concret avec le mode de vie de son auditoire), et surtout, surtout, a mené son exposé d’une façon bien trop scolaire pour ce contexte.

Des éléments m’ont tout de même intéressée (car le scolaire ne me fait pas peur) (et aussi parce que je suis, de base, à donf sur le sujet, probablement). Je retranscris donc ici quelques une de mes notes (ça risque d’être un peu brut, n’hésitez pas à passer) :

L’un des postulats de base est que le travail peut être facteur d’émancipation, s’il est mené dans des conditions adéquates. Pour estimer ces conditions, on peut observer le tryptique travail / moyen de subsistance / moyen de production.

Retour sur deux modes d’organisation du passé remarquables : compagnons et commoners.

Compagnons et communers

Les compagnons ouvrent les logiques de transmissions de savoirs faire, qui ne sont plus réservés à la fratrie ou aux fils celui qui les possèdent.

Les compagnons bénéficient de caisses de solidarité, font usages de signes d’appartenances, pratiques rituelles…

Les communers, eux, exploitent les communs je ne sais plus trop où dès le 12e siècle. A un moment, les communs subissent un mouvement d’enclosures, c’est à dire que ces communs passent du statut de « bien public » à celui de propriété privé. Les libéraux considèrent ce changement comme un progrès, car cela garantie pour eux une meilleure gestion, plus raisonnée, des ressources (au contraire de l’exploitation sans limite par plein de communers).

La révolution industrielle fait quasi disparaître les compagnons (quasi car les syndicats en héritent en partie).

Les formes du capitalisme

L’apparition des capitalismes acte la mutation du travail en emploi, avec salaire à la clé et patron.

On peut distinguer 3 stades au capitalisme :

  • 1er stade capitalisme : violent, très contraignant, les conditions sont imposées à 100 %. Les sentiments qui dominent sont la peur et la faim.
  • 2e stade : fordisme, avènement d’une société de consommation que ce capitalisme permet. On trouve donc des avantages à cette forme (on peut consommer !) et il s’accompagne d’évolutions sociologique
  • 3e stade : on essaye de faire « kiffer » au travail

Par exemple, dans les années 50-70, on est en plein dans le 2e stade avec la consommation de masse. Avec l’austérité dans les années 80, c’est la régression : l’employé redevient sujet de la peur et de la faim.

J’enchaîne ensuite sur « pas une conférence » dont le bruit court que c’est bien.

Vitesse lumière !

Il était une fois l’Internet

Compagnie 13R3P

Il était une fois l’Internet, c’est donc pas du tout une conférence, y’a pas de slides ni de live tweet. C’est un des éléments que je considère assez chouettes de ce festival : on n’y trouvait pas uniquement des gens qui causent sur scène à d’autres gens portant des T-shirts parfois à message. Il y avait aussi des ateliers de confection de bière, des projections ou des spectacles. C’est le cas ici, et le qu’en dira-t-on disait bien : ce fut une très bonne surprise.

Ultra résumé : très chouette spectacle qui camoufle une bonne description du fonctionnement des internets sous des allures enfantines et une belle performance d’actrice.

Pour en savoir plus, le site du spectacle.

Les mutations de la Quadrature du Net

Entendu au Garage

Adrienne Charmet

J’attendais avec pas mal de curiosité le bilan annuel de la Quadrature du Net, après avoir entendu parler de leur changement d’orientation. Voici ce que j’ai retenu de ce bilan.

Epuisement et constat d’échec

2015 a été pas mal occupée par la grosse bataille autour du processus législatif loi renseignement, avec ses flux et reflux épuisants. En fin d’année, bam, attentats. Directement la Quadrature s’engage contre le prolongement de l’état d’urgence, et s’attache à le recenser et le documenter. Cette opposition à l’état d’urgence n’a pas été évidente à tenir et à faire entendre dans le climat sécuritaire de fin 2015.

Surtout, la Quadrature fait le constat des limites de ses capacités d’action (notamment avec la loi sur le réforme pénale). La Quadrature, sur bon nombre de lois, fait des propositions par tous les biais possibles, mais sans effet.

Commence une grosse réflexion sur le pouvoir de la Quadrature à influer, véritablement, sur les dossiers législatifs.

Et, en conséquence, sur une évolution nécessaire de ses modes d’action.

En résumé, la Quadrature compte rester présente au niveau européen, faire plus de réflexion, de diffusion, mais aussi étendre son empreinte associative.

Un autre lobbyisme est possible ?

Pour ce qui est du lobbying et de l’influence, l’action de la Quadrature essaye maintenant de bien tenir compte de ce mur législatif contre lequel ils bloquent.

Quelques constats :

  • à l’Assemblée, les clivages étaient plutôt entre « ceux qui connaissent le numérique » et « ceux qui y pannent rien »
  • « au PS on a perdu toute capacité d’action car les jeux de pouvoir interne paralysent les députés »

A présent, l’idée est de contourner cet obstacle législatif national, et d’attaquer les lois passées non pas frontalement mais de biais. C’est pourquoi la Quadrature attaque maintenant plus devant le conseil d’État, est prête a enquiller auprès du conseil de l’Europe, de la CEDH…

L’échelon d’action d’influence de référence est en passe de devenir l’échelon européen, mais non sans réserves.

« Le jour où le niveau européen sera aussi bloqué qu’en France, on arrêtera. »

La Qadrature compte faire son possible pour transmettre à d’autres ses connaissances accumulées sur le monde politique et législatif. Mais cette documentation et transmission prendra du temps et ne sera pas simple.

Retour vers une action de terrain

En parallèle de ce travail de lobbying, qui se poursuit mais de manière moins intensive, la Quadrature veut régénérer ses outils et ouvrir de nouveaux services. Parmi les derniers outils sur lesquels ils ont planché :

  • controle-tes-donnees.net qui explique les enjeux de la surveillance des données, en image et de façon simple,

  • respectmynet.eu, vieux site que la Quadrature a relancé, qui récence les atteintes a la neutralité du net,

  • savetheinternet.eu, consultation pour indiquer ce que la Quadrature voudrait voir apparaître dans le cadre de la neutralité du net.

A l’avenir, la Quadrature a l’ambition de « prosélyter » plus largement, et plsu proche du terrain.

« on a embauché un graphiste, ce qui était pas du luxe à la Quadrature. »

En 2016, il devrait donc y avoir + de vulgarisation, + d’ateliers, + de formations pour démultiplier les actions. La structure veut aussi articuler son travail avec d’autres associations (françaises, comme framasoft par exemple, ou européennes).

… mais maintenant, qui le fera ?

Comme beaucoup d’autres personnes, j’étais au début de la présentation un peu circonspecte. C’est quoi ce revirement ? Si la Quadrature laisse tomber ce boulot de lobbying et de pression législative, qui va le faire ?

Le constat partagé durant le festival par Adrienne Charmet est amer, mais permet de mieux saisir le changement d’orientation : « Qui va le faire si on le fait pas ? Je ne sais pas, mais les autres assos sont sur les mêmes constats que nous ». C’est à dire celui d’une inaudibilité et d’une inefficacité de leurs actions auprès du politique.

Pas de quoi être franchement optimiste, mais de quoi comprendre, et donner envie de s’engager sur le terain, à un échelon plus local. Il semble que ce soit définitivement ici qu’il faille que ça bouge.

Twitter, dis-moi ce que je ressens

Comment Twitter reflète les sentiments d’une population en état de choc ?

Mathieu (matael) Gaborit

J’assiste au début de la présentation du projet sample.Cat, qui cherche à déterminer comment twitter a reflété les sentiments de ses utilisateurs sur les attentats : quels ont été les sentiments majeurs, combien de temps ont-ils duré, par quoi ont-ils été remplacé, etc.

Le niveau technique un peu rude (ça causait en toute simplicité de data-mining, de machine learning, des sujets dont je ne suis pas spécialiste) (euphémisme), et l’envie d’entendre parler de Community Organizing me font quitter la présentation en cours de route.

Repolitiser les classes populaires

Documentaire « Organisez-vous » + Débat

Benoît Raio

J’assiste à la fin de la projection du documentaire « Organisez-vous », autour du community organizing, pratique qui m’interpelle depuis ma lecture de l’article Made in America : Community Organizing.

La fin de la projection donne lieu à un échange entre les spectateurs et le réalisateur du documentaire. La pratique est pas encore hyper connue en France, et j’ai l’impression qu’elle est observée avec une certaine défiance.

Machiavélisme pour la communauté

Pendant les échanges, le lien est fait entre « social engineering », entendu sous l’angle de la manipulation sociale, et « community organizing ». Pour le réalisateur, effectivement la comparaison peut avoir du sens en ceci que le community organizing pourrait être traduit comme le recours au machiavélisme, mais pour le bien d’une communauté (et non d’un individu seul). Le réalisateur rappelle d’ailleurs que le community organizing s’inspire de la structure du crime organisé et des syndicats.

Tisseurs de colère

Une des distinctions du community organizing avec d’autres méthodes de mobilisations est qu’elle part, par principe, des besoins des populations. Elle ne s’appuie pas sur l’agenda, les idées et envies préalables des organisateurs. Le principe est de ne pas surimposer une problématique qui ne les concerne pas à des populations, mais de chercher quels sont les problèmes auxquels elles sont confrontées au quotidien, et de partir de ces problèmes là (aussi mineurs ou décalés soient-ils).

On commence par des enjeux réalistes, à petite échelle, puis on élargit à des enjeux plus larges, en essayant d’agrandir la communauté. L’idée est d’enraciner un contre pouvoir local et redonner le goût à la politique à des personnes dépolitisées.

En France, c’est l’Alliance Citoyenne à Grenoble qui semble être précurseur. Ils font le tour des quartiers, écoutent ce que veulent les gens PUIS déterminent leur objectif. Ils se définissent comme « tisseurs de colères », une façon d’insister sur le besoin de créer des communautés de lutte. Ce besoin de recréer ou regénérer des communautés est d’ailleurs sûrement encore plus essentiels en France, où la notion de communauté est quand même pas mal décriée.

Des leaders qui s’effacent ?

Quelqu’un remarque que dans le documentaire, les « organizers » sont la plupart du temps des femmes et/ou des personnes racisées. L’une des interprétations qui en est faite par le réalisateur est que « pour être community organiser, il faut accepter de ne pas être mis en avant« , ce qui culturellement serait plus compliqué pour les hommes.

Pour le contrepoint, je vous invite à jeter un oeil sur l’article que je citais un peu plus haut.

Alors que je sens la syndicaliste à côté de moi sur la défensive depuis le début des échanges, le réalisateur rappelle que le community organizing n’est pas révolutionnaire. L’optique n’est pas de renverser l’ordre des choses, mais de faire avec les politiques en présence, en les obligeant à respecter leurs engagements.

Bilan

J’ai une vision avec plein de trous du festival, forcément (pas assisté à toutes les éditions + pas assisté à toute cette édition = paye ton impartialité) mais dans l’ensemble j’en sors plutôt ravie.

Le ton délicieusement irrévérencieux me séduit toujours, et le regard critique porté sur l’écosystème numérique (qu’on le partage entièrement ou non) fait beaucoup de bien.

Si vous faite un pitch de start up faut dire « uberiser uber » pour récolter des fonds, alors je vais le dire aussi

Stéphane Bortzmeyer

J’aime le mélange des genres, j’aime ces thématiques plus ouvertes que dans mon souvenir, mixant de la politique et de la sociologie avec la technique (voire même sans technique parfois).

Par contre, ce que j’aurais aimé prendre le temps de discuter, c’est :

  • d’où vient cette évolution de l’orientation des 2 festivals (si c’est pas moi qui me fait des films) ?
  • comment cette évolution est-elle reçue par le public habituel ou historique des 2 festivals ?

Post scriptums

Ce que j’ai raté et j’en suis triste

Je note ça ici, pour pouvoir retrouver plus facilement les vidéos qui m’intéressent.

  • Qubes, système d’exploitation sécurisé pour activistes (mais pas que). La présentation de Benjamin Sontag
  • De l’importance de l’éducation populaire au numérique, par Genma
  • La course du bus de l’innovation sur le chemin de la croissance, par 01ivier Baudu
  • C’est magique !, par l3ibi
  • Conférence/ Discussion « Dévoiler la « libre » politique », par Robin Krier ; car je suis intriguée de savoir sur quels torts de la communauté du libre revenait l’orateur
  • Hack an NGO
  • L’entreprise démocratique, par Pierre-Yves DILLARD, pour nourir mes questionnements sur le mode de travail qui me conviendrait.

Sources

Bonus

La retranscription du pad des Bullshit Bingo 2016. J’ai l’impression que le pad originel est devenu coréen ; et comme il se trouve que je l’avais copié pour pouvoir fouiller un peu les liens…

Hop, c’est cadeau !

Titre ou sujet : Remise des Bullshit Bingo d’Or 2016
Intervenants : Emmanuelle Macro et Alain Mince (Brice Tuturier juste au téléphone). On pourrait avoir un appel de Axelle L’Amer +1+1
Description : Le classement tant attendu des Bullshit Bingo Awards sera révélé par notre jury constitué d’investisseurs panaméens, de vieilles pousses et de chômeurs devant un parterre de décideurs et de jeunes poulets sous vide.

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