Avant de finaliser et mettre en ligne (le temps que ça décante) des comptes-rendus de Moments d’invention et Futur O Klatsch, événements lorrains croisant numérique, culturel et innovation sociale auxquels j’ai assistés cette semaine, je partage un article sur l’entrepreneuriat collectif que je découvre tout juste, et qui fait écho à certains des enjeux que j’ai vu traverser les échanges de ces derniers jours. Fin de cette phrase introductive bien trop longue.

ESS versus Entrepreneuriat social, grille de lecture

L’article de Pierre Fournier propose une grille de lecture des tensions traversant le secteur de l’ESS, entre structures d’économie sociale « traditionnelles » et nouvelle figure de l’entrepreneur social.

Problématiques repérées du côté de l’ESS classique :

  • « Ces structures associatives fonctionnent actuellement sur un besoin de financement basé sur l’adaptation de politiques publiques et/ou de subventions de collectivités territoriales. »
  • Du fait de la baisse de ces financements publics, il y a une « concurrence accrue entre les acteurs associatifs, fusion entre elles comme dans le médico-social ou le secteur culturel par exemple, » et une « perte de liberté d’action et d’indépendance car elles répondent à un cahier des charges bien précis défini par le politique. »

Ce sont des problématiques qui plombent depuis déjà un petit paquet d’années tout le secteur associatif, et l’essor de l’entrepreneuriat social, avec son pragmatisme économique, a été l’une des réponses apportées à cette crise.

Problématiques repérées du côté de l’entrepreneuriat social :

  • « Certains projets sont parfois des redites de ce qui existent déjà. »
  • « La mesure de l’impact social se fait-il seulement sur la création d’emploi ? Comment mesurer l’impact qualitatif de l’innovation sociale ? »
  • Difficulté à se positionner en termes de vision et projet politique, notamment sur deux sujets :
    • « la réalisation de la gouvernance démocratique, elle est souvent non transparente et parfois cette question n’est pas posée. »
    • « la rétribution de la valeur créée, comme souvent la valeur est créée par des citoyens qui n’ont aucun engagement légal vis à vis de la structure (pas d’adhérent, pas de sociétaire), cette valeur est donc souvent capté et peu redistribuée de façon équitable. »

(Réflexion personnelle : N’est-ce pas déjà suffisant que ces structures changent les façons de faire et intègrent une préoccupation sociale dans leurs activités économiques ? C’est mieux que rien, bien sûr (il vaut mieux que ça existe plutôt que ça n’existe pas), mais à titre personnel, cela ne me suffit pas. Il me manque effectivement une portée politique plus globale, une réelle visée de transformation politique. Oui, je suis un bisounours révolutionnaire.)

Dans tous les cas, la véritable force au sein de ces structures (NdA : asso, coopératives, mutuelles) est qu’il y a un réel projet politique défini et partagé par les membres (coopérateurs, sociétaires ou adhérents) basé sur une répartition de la valeur (mutuelle et coopérative) et une gouvernance démocratique. Il y a un important travail sur le « Pourquoi on le fait ? »
L’entrepreneuriat social arrive avec une forte démarche économique. Les entrepreneurs sociaux observent un problème, ils essayent de le comprendre afin de trouver une solution pour le résoudre avec un objectif de viabilité économique. Pour répondre à la question du « Comment on fait? » .

Entrepreneuriat collectif, une solution pour dépasser les clivages ?

L’entrepreneuriat collectif, c’est -encore- un concept québécois. Il se fonde sur la définition de l’entrepreneuriat social tel que définit par la loi cadre sur l’économie social au Québec.

En clair, pour faire partie de l’économie sociale au Québec, il faut avoir une démarche commerciale (vendre un produit ou un service) afin d’être pérenne dans le temps et d’être indépendant de subvention publique ou privée. Il faut être une coopérative, mutuelle ou une association. Cette activité commerciale sert l’intérêt de la collectivité afin de répondre à un besoin social/environnemental, il y a une gouvernance démocratique claire et définie par les membres.

Cette définition disqualifie d’entrée en France les associations (pas de démarche commerciale) et les entreprises sociales (pas de gouvernance démocratique).

Mais c’est le terme d’entrepreneuriat collectif qui domine au Québec, plutôt que celui d’entrepreneuriat social. L’auteur en définit les spécificités suivantes :

  • Les dirigeants d’une coopérative ou d’une Organisation à But Non lucratif sont élus (une personne = un vote) par l’assemblée des membres. Elles sont forcément collectives et elle ne peuvent pas être créés par une seule personne.
  • Les surplus sont réinvestis dans l’entreprise ou au profit de la communauté/collectivité (partage de la richesse).
  • Elles répondent à une mission sociale définie par la communauté par une démarche commerciale.
  • Ces entreprises sont inaliénables. Elles ne peuvent ni être délocalisées, ni être vendues. Elles ne cherchent pas à faire des profits à court terme et ne vont pas fermer leurs portes à la moindre difficulté financière. De plus, elles n’iront pas s’établir ailleurs pour profiter d’une main-d’œuvre bon marché.

Exemples que retient l’auteur en France : la Louve, Coopaname, Enercoop.

Ok, je garde ces pistes en tête.

Source : L’entrepreneuriat collectif, l’ESS du 21ème siècle?