J’habite dans une ville moyenne, qui n’est pas forcément la plus à la pointe sur les questions de numérique. Un écosystème est tout de même en train d’émerger. Mais celui-ci, de ce que j’en perçois, se focalise surtout sur du développement orienté startups, levée de fond, rayonnement extérieur, etc. Forcément, j’ai la crainte que ma collectivité passe à côté d’une vision plus inclusive ou responsable du numérique. Alors, je lui ai écrit.

Ce qui figure ci-dessous est le contenu d’un email envoyé le 6 juin 2018, à C., chargée de mission de l’agglomération, qui m’a été présentée comme la plus au fait des questions numériques.

Ce courrier n’a pas encore reçu de réponse.


 » Bonjour C.,

Je suis heureuse de t’avoir croisée à l’afterwork la semaine dernière, et d’avoir pu échanger un peu avec toi dans cette ambiance bon enfant. Le contexte n’était toutefois pas forcément le plus adapté pour avoir un vrai échange un tant soit peu dense, raison pour laquelle je t’écris aujourd’hui.

Je m’intéresse de longue date aux croisements entre numérique et société, à la façon dont l’Etat et les collectivités peuvent s’appuyer sur le numérique pour consolider la démocratie, la vie sociale, la solidarité ou l’activité locale.

Je participe régulièrement à des événements croisants ces thématiques (les rencontres nationales de la participation à Lille, OuiShare Festival à Pantin, Moments d’invention et les rendez-vous Ville numérique à Nancy, le festival des Interconnectés. Ces rencontres contribuent à me nourrir, et à me questionner. Lors de ces événements, les collectivités présentes sont le plus souvent des métropoles. Peu de petites villes ou villes moyennes représentées et, sauf pour les événements locaux, peu de villes venant du Grand Est.

Pourtant, j’ai la conviction qu’Epinal, comme d’autres villes d’une taille similaire, pourrait très habilement s’appuyer sur les leviers du numérique pour tirer sa carte du jeu. Je pense qu’il y a la possibilité de mettre en oeuvre (et pour préciser la vision que j’ai d’une smart city) une ville intelligible, qui rende intelligents son territoire et ses citoyens.

Des opportunités à saisir, pour une ville comme Epinal, j’en vois une multitude.

Des programmes numériques nationaux

Il est par exemple possible de s’appuyer sur les programmes numériques de l’Etat. Le sujet est assez spécialisé, et je ne sais quel degré de connaissance la ville et la communauté d’agglomération en ont. Voici par exemple quelques initiatives auxquelles je pense :

  • Le programme Entrepreneur d’Intérêt Général, qui vise à aider les administrations ayant un projet de transformation du service public autour du numérique et des données. D’ailleurs, les candidatures pour la deuxième session sont ouvertes jusqu’à mi-juin.

  • Dans la mouvance des Startup d’Etat, la DINSIC envisage aussi la mise en place de Startups Territoriales. Ils sont ouverts à en discuter avec chaque collectivité intéressée.

  • Démarches simplifiés peut permettre de créer simplement des téléservices.

Des solutions ouvertes pour les territoires

A côté des programmes initiés par l’Etat, d’autres opportunités numériques de soutien du territoire existent. Quelques exemples :

  • Pour les consultations, concertations, budgets participatifs, Open Source Politics propose plusieurs plateformes basées sur des outils développés par Madrid et Barcelone. Ces plateformes sont déjà utilisées par des villes comme Lille, Nancy ou Angers.

  • Pour faciliter la gestion de la relation usager, on peut aussi penser à Publik, plateforme modulaire destinée aux citoyens et aux services de l’administration publique pour simplifier leurs interactions. Alfortville, Blois, Rochefort, Meaux, Châteauroux, La Hague, Meyzieu ont déjà passé le cap.

  • Pour animer et renforcer un territoire de façon transversale, la plateforme Communecter met en réseau les citoyens et toutes les initiatives locales. C’est en quelque sorte une approche smart city au plus près de ceux et celles qu’elle concerne directement : les habitants et habitantes du territoire.

Toutes ces plateformes partagent une caractéristique commune : ce sont des solutions ouvertes. Quel est l’intérêt pour une collectivité de se baser sur du logiciel libre ? Maîtrise, pérennité et indépendance des systèmes, transparence de la démarche, utilisation efficiente de l’argent public…

Cette ouverture est d’ailleurs préconisée par le gouvernement : c’est ce qui transparaît du plan d’action pour un gouvernement ouvert publié en avril dernier, ou du discours tenu par le Directeur Interministériel du numérique et du système d’information de l’Etat . Ce qui est mis en avant, c’est l’intérêt de la contribution aux logiciels libres, de la transparence des algorithmes ou de la mise en oeuvre du principe d’ouverture par défaut. Il s’agit de faire en sorte que l’innovation, les outils et les compétences ne soient pas privatisés. C’est aussi un bon moyen de redonner du sens et du pouvoir à l’action publique.

Des obligations légales

Enfin, nous avions abordé ensemble rapidement la question des obligations légales, et je reviens avec quelques précisions.

En ce qui concerne les données par exemple, l’ouverture des données publiques par défaut est une obligation légale pour toutes les communes de plus de 3500 habitants et de plus de 50 agents ou salariés. Rien ne transparaît de la démarche d’ouverture des données sur les sites institutionnels de la commune ni de la communauté d’agglomération, aussi je ne sais pas précisément où la collectivité en est sur ce point.

Ce courrier est assez dense, mais touche à sa fin. Si tout ou partie de cet écrit résonne avec certaines de tes préoccupations ou celles de la collectivité, revoyons-nous et discutons-en plus longuement. Sache qu’il y a des acteurs, notamment sur ce territoire, qui peuvent conseiller ou accompagner des démarches de modernisation numérique du territoire.

Bonne journée à toi,

Claire »