La transition numérique, je connais un peu. La transition écologique, un peu moins, mais j’ai des bases. Suffisantes pour savoir que pour concilier les deux, des fois ça coince sec. Alors je suis aller à Paris voir ce que la FING avait à dire là-dessus.

La Fondation Internet Nouvelle Génération (FING) est actuellement engagée dans un programme d’étude qui vise à concilier transition numérique et transition écologique, « mettre le numérique au service de la transition écologique ». Ca s’appelle Transitions², et le 4 juillet se déroulait la deuxième journée d’étude autour de l’Agenda du Futur.

Je n’avais rien suivi de l’initiative jusqu’à présent, ce qui ne m’a pas empêchée d’y aller. Ma première participation à un événement de la FING ! Je fus agréablement surprise de la qualité de réflexion que j’ai pu y trouver, et mes apprentissages furent nombreux, comme vous le constaterez à la longueur de l’article. Désolée, je m’étale.

Impact et effets rebonds

Tout n’est pas si vert…

Les effets rebonds, vous connaissez ? Moi, ça ne me disait que vaguement quelque chose, mais l’approche nuancée de la journée ma permis de sacrément mieux saisir l’idée. Un genre de double effet kisscool où, en pensant faire bien, on provoque en réaction du moins bien.

J’apprends par exemple que contrairement à ce qu’on pourrait croire, l’économie collaborative ne réduit finalement pas tant qu’espéré l’empreinte écologique. Par exemple, les logiques de circuits courts peuvent amener à la multiplication de petits trajets. Et là-dessus, le numérique pourrait avoir un rôle à jouer en rationnalisant et réduisant la complexité ?

Blablacar permet d’améliorer le taux de remplissage des véhicules, et donc est bénéfique écologiquement ? Ou bien ne créé-t-il pas aussi un effet d’opportunité tant pour les conducteurs que les passagers, qui conduit à l’augmentation du nombre de bagnoles sur les routes ?

Même s’il réduit la production, Le Bon Coin redonne de la capacité de consommation plutôt qu’il n’incite à réduire sa consommation. A contrario, les repair cafés, par exemple, modifient en profondeur les modes de consommation, et permette de la réduire en réparant l’existant.

J’ai l’impression, au cours de la journée, de trouver des pistes qui me permettront de préciser ma pensée lorsque j’affirme en plaisantant vouloir « changer le monde, comme tout le monde, mais d’une certaine façon ».

Je vous conseille, si les questions de qualification de modèles d’entreprise vous intéressent, de jeter un oeil sur les slides de la présentation de Daniel Kaplan faite pendant la journée, accessibles en bas de cette page.

Un modèle ouvert ne suffit pas

Louis-David Benyayer, de Without Model, prend lui l’exemple des modèles ouverts, où la valeur est créée en partie par des parties prenantes extérieures à l’organisation (par exemple wikipedia). Mais ce n’est pas parce qu’un modèle est ouvert qu’il a un impact positif (4x4 avec plan open source, arme imprimée en 3D…).

D’autres critères entrent en jeu, en complémentarité, pour que ces modèles aient un impact positif :

  • L’intention d’impact : l’impact écologique n’était dans la tête des dirigeants de blablacar, ce n’était pas leur intention première. Contrairement à fairphone qui cherche d’abord à avoir un impact, puis construit son modèle d’affaire en fonction.
  • La question des infrastructures : il faut des lieux pour assembler la voiture open source, par exemple. Quel est l’actif que possède Uber ? Uber utilise des infrastructures (routes, voitures) auxquelles il n’a pas contribué et dans lesquelles il n’investit pas.

Anecdotes et apprentissages en vrac

Des indicateurs pour prouver que faire le bien est rentable

Lors d’un atelier sur la réduction de l’infobésité, l’un des participants travaillant dans la « green IT » pour des banques, et nous fait part de ses difficultés à convaincre ses banques clientes d’adopter des comportements vertueux. Raison : il ne trouve pas d’indicateurs convaincants qui leur prouverait que c’est financièrement intéressent pour elle.
Les échos sont fort avec Ethics by Design. Cette question des indicateurs est vraiment récurrente, il va peut-être falloir que je m’y penche.

Le numérique, bientôt en descente de hype ?

Hypothèse intéressante : est-ce que la croissance de nos usages numériques est inéluctable ? Un participant fait remarquer que dans les années 70, la chimie était vue comme un progrès positif. Aujourd’hui, « produits chimiques » a une connotation très négative, et on assiste au développement du bio. Est-ce que la notion de numérique pourrait à terme être rejetée par les gens ?

Mener correctement un projet avec des humains, ça prend du temps

Pour bosser avec des collectivités, il faut privilégier le temps long. Partir d’abord sur des solutions médianes, récoltant le consensus plus ou moins mou, pour acculturer. Puis monter en gamme sur l’outil suivant.

C’est difficile de susciter l’engagement

L’engagement est de plus en plus compliqué à susciter : par exemple, on a eu dans l’ordre des campagnes pour économiser l’eau, pour la réduction des déchet, et maintenant pour l’économie d’énergie. L’impact visible de ces campagnes sur le portefeuille est de plus en plus faible, de moins en moins visible, ce qui limite l’engagement. Aussi, le taux d’engagement est généralement assez fort les 2 ou 3 premières semaines (effet de nouveauté) et s’amenuise avec le temps. D’où la nécessité de bien le calculer dans la durée.

Les effets bénéfiques de l’économie circulaire sur le numérique

Comment est-ce que l’économie circulaire peut aider à réduire l’impact du numérique ? Parmi les pistes évoquées en atelier :

  • récupération de la chaleur des data center
  • éco-conception des logiciels et applications

Derniers liens à la volée

L’innovation facteur 4 est une innovation radicale et massive qui « contribue à transformer nos sociétés et nos économies en profondeur, vers des modèles plus frugaux, plus justes et plus durables ». Concept développé par la FING, si j’ai bien saisi. Ce sont les entreprises qui font de l’innovation facteur 4 qu’on a cherché un peu toute la journée.

On reparle aussi du label B Corp, qualifiant l’impact sociétal et environnemental d’une entreprise.

Je note dans un coin de tête la référence du data center vert evoswitch.

Je découvre Ray Anderson, industriel pionnier des démarches de consommation et production durables.

Je m’attarde sur le Kit Agir local de la FING, avec plein de concepts, catégorisations, liens à creuser pour mettre en place sur un territoire des projets numériques au service des démarches environnementales. Précieux.